«Corps Complexe(s)»
Artiste : Émilie Sfez
Pratique artistique : Photographe
La série corps complexe(s) est née d’une recherche technique de lumière studio qui m’a amenée à photographier mon propre corps dans un miroir.
Devant ce miroir, je me suis replongée dans une ancienne recherche sur le rapport au corps, que j’avais initiée à l’age de 15 ans. Nous avons tout.e.s un rapport à notre corps très personnel, poutant il est modelé par les stéréotypes, les normes, le regard des autres. Dans la société occidentale la masse corporelle est normée, pour convenir au standard de beauté, qui en plus varie en fonction des époques. D’ailleurs on part du principe que notre corps doit être beau parce qu’on nous l’a appris. Il doit correspondre à des critères de genre: fort ou fin, avec ou sans poils, etc .. Nous nous construisons sur le principe que nous devons être «parfait.e.s», au sens de normé, dans notre apparence, dans nos attitudes, dans nos choix, dans nos vie, etc… , et cela au yeux des autres. Cela amène notre propre regard sur nous à être déformé. Alors on se scrute, on déforme son corps pour mieux voir ses défauts et imperfections. On le torture, on le contraint, on le regarde et, pour beaucoup, une sorte d’insatisfaction permanente s’installe, et cela depuis l’enfance. A l’école les enfants se moquent de la grosse, ils l’appellent «la truie», ils se moquent de la fine, ils l’appellent le squelette. On associe même des formes de corps aux genres. Par exemple, dans mon enfance, un enfant m’a dit que j’avais des genoux de rugbyman, d’homme, de sportif homme. Il y a bien sûr aussi : les marques de la vie, les vergetures, la cellulite, les boutons, les veines apparentes, les tâches, etc . Tant de particularités du corps qui ne rentrent pas dans la norme de beauté imposée, et qui pourtant sont majoritairement présentes sur nos corps. Pour cette série, j’ai choisi de photographier mon corps de la façon dont il m’arrive de le regarder : en l’étirant, en le pressant, dans des torsions. C’est une façon de souligner qu’un corps peut toujours être beau, être moche, et que le tordre pour en voir les défauts n’est en rien une façon bienveillante, ni
objective, de le voir. Cela ne fait que nourrir des complexes qui s’ancrent en nous et jouent sur notre confiance en soi.
Nos corps complexes ne rentrent pas dans leurs norme et nous complexent, pourtant nous sommes comme nous sommes et nous ne nous résumons pas à nos corps !